Publié le 8 mars 2020 par Pierre Paquette
Le concept d’équation du temps peut être difficile à comprendre. Selon le US Naval Observatory, « […] the Equation of Time is the difference apparent solar time minus mean solar time […] » (« l’Équation du Temps est la différence temps solaire apparent [ou vrai] moins temps solaire moyen »). Mais d’où vient cette différence ? Que représente-t-elle ? Pourquoi est-elle parfois si grande ? Explications.
La technologique humaine a tôt fait d’engendrer des horloges à débit régulier ; la première de ces inventions est sans nul doute la clepsydre ou horloge à eau. Celle-ci se constitue essentiellement d’un bol dont le fond est percé. L’eau s’écoule lentement hors du bol, jusqu’à ce qu’il soit vide, puis on le remplit de la même quantité d’eau qu’au départ. La durée requise à ce nouvel apport d’eau pour s’écouler est évidemment la même que pour le premier, dans les limites évidentes de la précision de la mesure de la quantité d’eau.
Des horloges mécaniques, inventées au XIIIe siècle, aux horloges atomiques modernes, la constance du mouvement s’est toujours améliorée, et on peut dire sans risquer de se tromper que les appareils d’aujourd’hui ne dérivent pas de l’uniformité : une seconde vaut une seconde, et une heure, une heure, peu importe quand ou où on prend la mesure. (On néglige ici la variation de temps induite par les puits gravitationnels et expliquée par la théorie de la Relativité.)
Or, si on compare l’heure indiquée par, disons, un téléphone intelligent avec celle indiquée par un cadran solaire, on se rend compte que celle-ci n’est presque jamais la même — même en corrigeant pour l’heure avancée pour les régions et les dates pertinentes. La différence est l’équation du temps ; l’expression vient du Moyen Âge et signifiait qu’il fallait « faire égaler » le temps mécanique avec le temps solaire. Mais pourquoi le temps solaire diffère-t-il du temps mécanique ou électronique ? Autrement dit, pourquoi le soleil est-il inconstant ?
Le premier facteur à l’origine de l’équation du temps est le fait que le Soleil n’est pas au centre de l’orbite terrestre. Vous avez bien lu. Il n’est en fait au centre d’aucune orbite. Puisque les orbites sont des ellipses, le Soleil se trouve plutôt à un foyer de celles-ci (elles en ont deux ; l’autre n’abrite aucun astre). La différence peut être minime — surtout pour Vénus — ou plus importante — pour les comètes à longue période, par exemple —, mais dans le cas de la Terre, elle est reflétée dans l’équation du temps.
Qu’est-ce que cela signifie, en clair ? Eh ! bien, ça fait en sorte que la vitesse de déplacement du Soleil sur l’écliptique, sa trajectoire apparente dans notre ciel, n’est pas uniforme — c’est d’ailleurs l’un des premiers points contre la théorie d’Aristote. L’animation ci-contre en rend compte. Dans celle-ci, l’ellipse formée d’un trait continu blanc représente l’« orbite » réelle du Soleil par rapport à la Terre — dans un référentiel où celle-ci serait fixe ; une construction mathématique pure, mais qui représente ce que l’on observe plutôt que la réalité physique. Le centre de cette ellipse est marqué par une croix blanche. Le cercle bleu tireté représente quant à lui l’« orbite » imaginaire d’un soleil moyen fictif, qui parcourt le ciel à vitesse uniforme tout au long de l’année. Puisque la Terre (disque brun au centre) va plus vite sur son orbite quand elle est plus près du Soleil (portion de droite du tracé blanc), le soleil vrai prend alors de l’avance (ou rattrape son retard) par rapport au soleil moyen fictif.
Comme on peut le constater, la différence accumulée peut atteindre ± 7 min 39 s. Cela ne veut pas dire que le jour dure 24 h 07 min 39 s ou 23 h 52 min 41 s, mais qu’entre le périhélie et le maximum, chaque jour dure quelques secondes (jusqu’à ~ 7,9 s) de plus ou de moins que 24 h. Paradoxalement — mais quand on y pense bien, c’est normal —, le jour solaire dure plus longtemps que 24 h dans la partie droite du schéma, soit entre environ 93 jours avant le périhélie (un peu après l’équinoxe de septembre) et environ 93 jours après celui-ci (un peu après l’équinoxe de mars). Puisque le Soleil vrai est devant le soleil moyen fictif sur sa trajectoire apparente, l’horloge solaire prend un peu plus de 24 h pour rattraper le Soleil vrai ; le temps civil est donc en avance (voir horloges ci-dessous).
La seconde composante de l’équation du temps provient du fait que le Soleil vrai se déplace sur l’écliptique, qui est incliné par rapport à l’équateur céleste (de exactement au moment présent). Cela fait en sorte que son mouvement angulaire d’ouest en est d’une journée à l’autre ne se fait pas à vitesse uniforme telle que mesurée sur l’équateur céleste. L’animation ci-dessous illustre cela ; afin de bien rendre compte de la différence, nous avons choisi de « dérouler » l’équateur et l’écliptique sur une carte plane plutôt que de simuler une troisième dimension à l’écran.
L’animation débute avec le Soleil au point vernal (extrême droite de l’image). Chaque seconde qui passe en réalité correspond à dix jours dans l’animation. Comme on peut le constater, après l’équinoxe de mars, le Soleil vrai est derrière le soleil moyen fictif, qui se déplace à vitesse uniforme sur l’équateur céleste, mais ce retard est rattrapé quand vient le solstice de juin. Le Soleil vrai est ensuite en avance jusqu’à l’équinoxe de septembre (centre du graphique), puis en retard jusqu’au solstice de décembre. Enfin, il est en avance entre le solstice de décembre et l’équinoxe de mars.
La combinaison des effets de l’excentricité de l’orbite terrestre et de son inclinaison par rapport au plan de l’équateur terrestre fait en sorte que le Soleil vrai « avance » et « recule » cycliquement par rapport au soleil moyen fictif. La différence entre l’heure solaire vraie et l’heure solaire moyenne se nomme équation du temps et peut +16 min 23 s / −14 min 14 s selon la date. Cette page permet de déterminer la valeur de l’équation du temps pour 0 h TU à n’importe quelle date entre l’an 1000 et l’an 3000, en plus d’indiquer la valeur exacte de l’équation du temps pour le moment présent (rectangle bleu avec texte blanc).
Le premier cadran ci-dessous indique l’heure solaire vraie locale, indiquée par un cadran solaire. Elle diffère de l’heure solaire du fuseau horaire (deuxième cadran) par la correction en longitude, égale à 4 minutes × Δλ°, où Δλ est la différence de longitude entre le centre du fuseau horaire et le site d’observation (λ₀ − λ). Par exemple, pour Montréal, λ = −73° 33′ 42″ et le centre du fuseau horaire est à λ₀ = −75° 00′ 00″ ; on a donc Δλ = λ₀ − λ = −01° 26′ 18″, donc une différence de −05 min 45,2 s : quand il est exactement 12 h 00 min 00 s (midi) de temps solaire vrai local à Montréal, le Soleil n’est pas encore au méridien (11 h 54 min 14,8 s) du centre du fuseau horaire. (Celui-ci est à la longitude de Papineauville, Outaouais, où se trouve d’ailleurs le Parc du Cadran-Solaire, situé exactement au méridien 75°.)
En résumé, on a donc :
Heure solaire vraie locale (premier cadran)
+ Correction en longitude
= Heure solaire du fuseau horaire (deuxième cadran)
+ Équation du temps
= Heure civile du fuseau horaire (troisième cadran)
Cliquez ici pour utiliser vos coordonnées géographiques ; autrement, le système vous considère comme étant situé au centre-ville de Montréal (angle René-Lévesque et Saint-Laurent). Il y a normalement un délai de quelques secondes entre le moment où vous cliquez et le moment où les coordonnées et le temps correct sont affichés. De plus, les coordonnées sont celles rapportées par votre système ou votre fournisseur d’internet et peuvent différer de la réalité — par exemple, mes coordonnées rapportées sont celles de Vaudreuil–Dorion, mais j’habite à Les Coteaux, une vingtaine de kilomètres au sud-ouest.
ATTENTION : Si votre région utilise l’heure avancée (de 2 h du matin, le premier dimanche de mars, à 2 h du matin, le premier dimanche de novembre, pour l’Amérique du Nord*), il y aura un décalage d’autant avec l’heure solaire des deux premiers cadrans. Aussi, une bonne partie de l’Europe utilise en permanence une heure avancée (heure normale d’Europe centrale), qui augmente à deux heures entre 1 h UT le dernier dimanche de mars et 1 h UT le dernier dimanche d’octobre.
* Certaines régions du Québec, à l’est de 63° de longitude ouest, la majeure partie de la Saskatchewan, et certaines régions de la Colombie-Britannique et du Nunavut (île Southampton) n’observent pas l’heure d’été. Cependant, la Saskatchewan observe l’heure centrale même si elle est située dans le fuseau horaire des montagnes, ce qui signifie qu’elle observe effectivement l’heure d’été tout au long de l’année. Aux États-Unis, l’Arizona (sauf la nation Navajo) et Hawaï n’utilisent pas l’heure avancée, tout comme les Samoa américaines, Guam, Puerto Rico, les îles Mariane du Nord, les îles mineures éloignées des États-Unis, et les îles Vierges américaines.
Note : Puisque c’est votre système qui gère l’affichage du temps, si cela taxe votre système, vous pouvez cliquer sur ⏹️ pour arrêter la mise à jour de l’affichage du temps.
L’heure civile du fuseau horaire (troisième cadran) diffère de l’heure solaire du fuseau horaire par l’équation du temps (présentement exactement ; la valeur indiquée en vert dans le graphique et le tableau ci-dessous est pour 0 h UTC dans la nuit d’hier à aujourd’hui).
L’heure sidérale locale est l’ascension droite du point de la sphère céleste qui est situé au méridien du lieu d’observation. Le jour sidéral dure 23 h 56 min 04,0905 s de temps solaire moyen.
Jour | Janvier | Février | Mars | Avril | Mai | Juin | Juillet | Août | Septembre | Octobre | Novembre | Décembre |
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Le cas échéant, la case correspondant à aujourd’hui (selon l’heure de votre système) est surlignée en vert. |
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© 2020 Astronomie‑Québec / Pierre Paquette