Publié le 27 avril 2020 par Pierre Paquette
La question peut sembler simple, voire simplette, mais la définition du mot « année » varie grandement selon le contexte. Et oui, je m’en tiendrai ici à l’année terrestre et ne discuterai pas de la longueur de l’année sur d’autres planètes. De même, je n’aborderai pas ici la durée de l’année selon divers calendriers conçus par les êtres humains. Non ; il ne sera ici question que de l’année « astronomique ». Je pourrais simplement écrire ici des nombres, mais leur signification peut être élusive dans certains cas. Voyons donc de quoi il en ressort exactement, grâce à des images et des animations.
Einstein l’a dit : tout est relatif. C’est la raison pour laquelle l’année a une durée différente selon ce par rapport à quoi on mesure. Einstein nous disait aussi qu’il n’existe aucun référentiel absolu, mais pour les besoins de la cause, nous pouvons supposer que les étoiles lointaines sont absolument fixes entre elles ainsi que par rapport à nous — leurs lents mouvements ne sont pas vraiment perceptibles sur la durée d’une vie humaine, et sont minimes même sur des périodes historiques.
Il faut aussi définir l’unité de mesure, qui sera le jour. Puisqu’il existe plusieurs définitions du mot « jour » (voir ci-dessous), il convient de définir celui utilisé : ce sera le jour du Système international d’unités (SI), égal à 86 400 secondes SI.
Dans toutes les animations de cette page, la forme de l’orbite terrestre est proportionnelle, mais la taille du Soleil et de la Terre ne l’est pas.
Cela nous amène donc à la première définition d’année : l’année sidérale est le temps que met la Terre à compléter une orbite autour du Soleil par rapport aux étoiles. Cela est illustré dans l’animation ci-contre, dans laquelle la Terre est le petit disque bleu et le Soleil, le disque blanc central. La Terre débute son orbite à côté d’elle. Au fur et à mesure que la Terre parcourt son orbite, les secondes s’ajoutent. Quand la Terre revient au même point de son orbite par rapport aux étoiles, donc vis-à-vis cette petite étoile jaune, le compte s’arrête. Il s’est écoulé .
Les choses seraient simples si la Terre et son orbite n’étaient pas affectées par la force de gravité des autres astres : la durée de l’année serait égale à l’année sidérale (en fait, à peine plus courte), et il n’y aurait pas d’autres sortes d’année possibles. Mais rien n’est simple en mécanique céleste…
Afin de bien savoir de quel cycle il est question exactement, les astronomes sont développé un vocabulaire plus complet et plus précis. Une complication à la fois, je vais tenter de les expliquer ici.
La deuxième définition du terme « année » la plus facile à saisir est celle de l’année anomalistique. L’orbite de la Terre n’est pas un cercle parfait, mais une légère ellipse, quelque peu décentrée par rapport au Soleil. Ce décalage paraît un peu dans nos animations, mais la différence entre un cercle parfait et l’allongement de l’ellipse est négligeable à l’échelle de ceux-ci. Le point de l’orbite terrestre le plus rapproché du Soleil est le périhélie, et l’année anomalistique est la durée entre deux passages successifs de la Terre à son périhélie. Cette durée serait la même que l’année sidérale si, comme énoncé ci-dessus, la Terre et son orbite n’étaient pas affectées par la force de gravité des autres astres. Or, à cause de cette influence, la ligne du périhélie, droite imaginaire qui joint le Soleil au périhélie de l’orbite terrestre, avance lentement dans le même sens que la révolution de la Terre, avec pour conséquence que l’année anomalistique dure un peu plus longtemps que l’année sidérale : .
Puisque l’amplitude réelle serait impossible à discerner à l’échelle des animations, celle de gauche est à une échelle grandement exagérée. Dans l’animation, la ligne grise tiretée est la ligne du périhélie. On voit qu’elle tourne dans le même sens que la Terre, mais beaucoup plus lentement. La vitesse est ici exagérée ; en fait, la ligne du périhélie de la Terre avance d’environ 11,45″ par année — ça lui prend environ 112 000 ans pour faire une rotation complète de 360°.
La dernière forme d’année qui ait directement et exclusivement trait à l’orbite terrestre est l’année tropique. Elle est définie comme étant la durée requise pour que la longitude moyenne du Soleil passe de 0° à 360° ; en d’autres termes, c’est la durée entre deux équinoxes de mars successifs. À noter qu’à cause des particularités de l’orbite terrestre, cette période n’est pas exactement la même qu’entre deux solstices de juin successifs, entre deux équinoxes de septembre successifs, ou entre deux solstices de décembre successifs.
Mais pourquoi cette durée n’est pas la même que l’année sidérale (ou l’année anomalistique, tant qu’à y être) ? C’est que l’axe de la Terre ne pointe pas exactement au même endroit par rapport aux étoiles à la fin de cette période qu’à son début. Le mouvement de précession est très lent — l’inclinaison de l’axe de rotation de la Terre revient à son point de départ par rapport aux étoiles au bout d’environ 25 770 ans —, mais cela fait quand même une différence à la fin de l’année. La preuve : si 360° équivaut à 25 770 ans, alors 1 an équivaut à 360 ÷ 25 770 = 0,01397° (50,29″), un angle parcouru par la Terre en environ 20½ min. Puisque ce mouvement est dans le sens inverse du mouvement de la Terre sur son orbite, on doit donc le soustraire à l’année sidérale, ce qui nous donne .
Puisqu’un angle de 0,01397° est bien trop petit pour illustrer clairement, l’animation ci-contre amplifie celui-ci, de même que la taille relative de la Terre et du Soleil. Dans l’animation, la ligne orange représente la direction de l’équinoxe de mars. Elle tourne lentement dans le sens horaire, et pointe vers le Soleil au début de l’animation et après qu’une année tropique se soit écoulée ; toutefois, 20 minutes plus tard, à la fin de l’année sidérale, elle ne pointe plus exactement vers le Soleil.
Tout comme la définition du mot « année » dépend du point de référence, il existe aussi diverses définitions du terme « jour ». Là où ça se complique, c’est que tous durent 24 heures, mais en même temps, aucun ne dure 24 heures… Explications.
Si on prend comme point de repère le passage répété du soleil au méridien d’un lieu, on a le jour solaire vrai. C’est la plus ancienne durée notée par les humains, et déjà, en Égypte et en Mésopotamie antiques, on le divisait en 24 parties assimilables à nos heures. À l’origine, ces « heures » avaient une durée variable selon la saison : en effet, on divisait le jour en 12 heures égales, et la nuit en 12 heures égales — les heures du jour et de la nuit n’avaient donc pas la même durée en été qu’en hiver, par exemple. Éventuellement, vers les années 1200–1300 de notre ère, avec l’invention des horloges mécaniques relativement fiables, on a changé la définition des heures pour qu’elles aient toutes la même durée les unes que les autres — le jour et la nuit ne durent depuis lors pas exactement 12 heures, sauf à l’équateur ou aux équinoxes. Par exemple, à Montréal, au solstice de juin, le jour dure 15 h 41 min et la nuit, 08 h 19 min ; à l’inverse, au solstice d’hiver, le jour ne dure que 08 h 42 min et la nuit, 15 h 18 min (les durées ne sont pas exactement inversées à cause de la réfraction atmosphérique, qui fait paraître le soleil comme au-dessus de l’horizon même quand il est légèrement au-dessous géométriquement).
En divisant le jour solaire, on a 24 heures solaires, toutes égales entre elles. (En pratique, la rotation de la Terre n’est pas uniforme, notre planète étant notamment soumise aux forces de marées causées par la Lune et par le Soleil ; ces heures sont, à strictement parler, des heures de temps solaire moyen.)
Si on prend toutefois le passage répété d’une étoile (en fait, du point vernal, mais c’est un détail) au méridien du lieu, on a le jour sidéral. Puisque la Terre a avancé sur son orbite entre les deux passages, ce jour est plus court que le jour solaire — inversement, la Terre doit tourner un peu plus par rapport aux étoiles avant d’être à nouveau alignée par rapport au soleil pour compléter le jour solaire.
Le jour sidéral dure 23 h 56 min 04,092 s de temps solaire moyen.
Mais on peut aussi diviser le jour sidéral en vingt-quatre parties égales ; des heures sidérales. Comme le jour solaire est plus long que le jour sidéral, il dure plus de 24 heures sidérales…
Le jour solaire dure 24 h 03 min 56,554 s de temps sidéral moyen.
Trop compliqué ? Les tableaux suivants résument tout simplement.
Mesure | Temps solaire moyen | Temps sidéral moyen |
---|---|---|
Jour solaire moyen | 24 h 00 min 00,000 s | 24 h 03 min 56,554 s |
Jour sidéral moyen | 23 h 56 min 04,092 s | 24 h 00 min 00,000 s |
Mesure | Durée |
---|---|
Année tropique | |
Année sidérale | |
Année anomalistique |
🌑 🌒 🌓 🌔 🌕 🌖 🌗 🌘
© 2020 Astronomie‑Québec / Pierre Paquette