Publié le 30 mai 2020 par Pierre Paquette
Je commente rarement l’astronautique, mais aujourd’hui, je le fais, car c’était une journée historique. J’espère que vous avez eu l’occasion d’assister en direct au lancement de Crew Dragon, la « capsule » spatiale habitée de SpaceX, aujourd’hui (samedi 30 mai 2020). J’avais des obligations familiales, mais entre deux courses, j’ai réussi à voir le lancement sur mon iPhone dans le stationnement de l’épicerie !
Faisons d’abord un petit résumé de l’histoire des lancements habités. En 1961, la défunte Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) lance Vostok 1 le 12 avril 1961 ; à son bord, Youri Gagarine. Les États-Unis d’Amérique (USA) emboîtent le pas le 20 février 1962, en lançant Mercury-Atlas 6 et John Glenn (après deux missions suborbitales). En 1964–1965, l’URSS lance deux missions Voshkod avec trois et deux personnes à bord — surtout pour damer le pion aux Étatsuniens qui arrivent bientôt avec Gemini, avec deux astronautes à bord ; les 10 vols de ce programme ont lieu en 1965–1966.
L’URSS passe ensuite au programme Soyouz, en 1967. À l’origine, le but est d’aller sur la Lune. Mais les États-Unis y arrivent avant, avec le programme Apollo (missions lunaires 1968–1972 ; premier alunissage en 1969 — missions à la station spatiale Skylab en 1973–1974 et mission conjointe Apollo–Soyouz en 1975).
Une fois la Lune atteinte, les deux pays calment leurs ardeurs, et l’URSS se tourne plutôt vers les stations en orbite terrestre. Elle lance en tout sept stations Salyout, de 1971 à 1982 (Salyout 7 retombe vers la Terre en 1991), puis Mir, lancée en 1986. Entretemps, les États-Unis développent un concept de navette réutilisable, lançant Columbia pour la première fois le 12 avril 1981 — une certaine commémoration du voyage historique de Gagarine vingt ans plus tôt. (L’URSS lancera aussi un programme de navette réutilisable, mais le seul lancement de Bourane était entièrement automatisé.) Cinq « oiseaux spatiaux » prendront le chemin de l’orbite terrestre : Columbia, Challenger, Discovery, et Atlantis, puis Endeavour après la destruction de Challenger au lancement en janvier 1986. Après la destruction de Columbia en 2003, les USA décident de mettre fin au programme des navettes spatiales, mais celui-ci s’étire tout de même jusqu’en 2011.
L’URSS est dissoute en 1991, et la Russie lui succède, et le climat politique international se détend quelque peu — l’URSS et les USA étaient en Guerre froide depuis les années 1950 —, de sorte que quelques missions de navette spatiale se rendent à la station Mir, et quelques cosmonautes russes volent aussi à bord de la navette américaine. Mir est retombée vers la Terre en 2001.
Depuis 1998, un consortium formé d’une quinzaine de pays dont les USA et la Russie exploite la Station spatiale internationale (aucun nom ne lui a jamais été attribué, afin de ne pas faire de favoritisme d’une langue ou d’une autre). Celle-ci est desservie par les vaisseaux Soyouz ainsi que les diverses navettes spatiales américaines.
Après la mise au rancart des navettes spatiales (toutes aujourd’hui dans des musées, à ciel ouvert ou couverts), les États-Unis perdaient leur seul lien direct avec la Station spatiale internationale. Pour s’y rendre, ils demandaient un « service de taxi » aux Russes… à gros prix !
L’engin spatial de SpaceX, appelé Dragon 2 à strictement parler, est aussi réutilisable, comme presque toute la technologie développée par SpaceX. Cela permet un prix moindre, vu que chaque engin n’est pas détruit ou rendu inutilisable après usage. Après quelques tests inhabités, ont un avec des mannequins bardés d’instruments de mesure, il a été déterminé que l’engin était sécuritaire pour y mettre des passagers.
C’est là que ça devient historique. C’est le premier vol habité d’un nouvel engin spatial depuis Shenzhou 5 par la Chine en 2003 (d’autres missions ont eu lieu jusqu’en 2016 ; la prochaine est prévue pour 2021), mais surtout, ça marque le retour des lancements habités par les États-Unis. De même que la baisse de la facture par astronaute. Les chiffres exacts sont difficiles à trouver, mais la navette spatiale coûtait 450–1 500 millions de dollars par lancement (avec un maximum de sept astronautes, donc 65–214 millions de dollars chacun), et occuper un siège dans un vaisseau Soyouz coûte apparemment à la NASA (l’agence spatiale étatsunienne) la somme de 110 millions de dollars — on parle de devise étatsunienne bien sûr. Quant à Crew Dragon, il semble que la facture ne s’élève qu’à 65 millions par astronaute. (Si vous connaissez des chiffres plus fiables, merci de me les faire parvenir.)
La « capsule » russe ne sera sans doute pas retirée pour autant. Elle a fait ses preuves de nombreuses fois — au moins un lancement par année depuis 1973, presque pas d’accidents, etc. Les Russes vont certainement continuer de s’en servir… Mais elle n’est pas réutilisable ; son bouclier de protection thermique est détruit à chaque fois. Alors peut-être qu’à terme…
On jase, là…
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