Mathématiques sumériennes

Publié le 14 mars 2020 par Pierre Paquette

Tablette Plimpton 322Les Sumériens avaient un système de notation des nombres bien particulier. Ce peuple, qui vivait en Mésopotamie (essentiellement l’Irak moderne) il y a quelque 3 900–6 500 ans, a inventé l’écriture et les mathématiques — ces dernières probablement avant la première. Pour écrire les mots comme les nombres, ils utilisaient des calames, qui consistaient en une tige de roseau taillée au couteau, qu’ils pressaient dans des plaquettes d’argile habituellement grandes comme la paume d’une main. Cela donnait des petites encores de forme de coins ou clous — cuneus en latin, d’où le nom d’écriture cunéiforme. Cela pouvait donner par exemple 𒀭𒈾𒊏𒄠𒀭𒂗𒍪, que les assyriologues transcrivent DNa-ra-am DSîn, qui est le nom d’un roi akkadien (Naram-Sin ; v. 2254–2218 AÈC).*

Le système de calcul a ceci de particulier qu’il a une double base, soit 10 et 60. Ainsi, les chiffres sont notés avec des symboles distincts pour 1 à 9 (avec déjà un ancêtre du zéro à partir d’une certaine époque, noté comme un vide entre deux nombres), mais les dizaines ne sont notées que jusqu’à la sixième, soit 60. Ce système est appelé notation sexagésimale (base 60). On a donc la progression suivante :

Tableau . Nombres sumériens de 1 à 200.
1 = 𒁹26 = 𒎙𒐋51 = 𒐐𒁹76 = 𒁹𒌋𒐋101 = 𒁹𒐏𒁹126 = 𒈫𒐋151 = 𒈫𒌍𒁹176 = 𒈫𒐐𒐋
2 = 𒈫27 = 𒎙𒑂52 = 𒐐𒈫77 = 𒁹𒌋𒑂102 = 𒁹𒐏𒈫127 = 𒈫𒑂152 = 𒈫𒌍𒈫177 = 𒈫𒐐𒑂
3 = 𒐈28 = 𒎙𒑄53 = 𒐐𒐈78 = 𒁹𒌋𒑄103 = 𒁹𒐏𒐈128 = 𒈫𒑄153 = 𒈫𒌍𒐈178 = 𒈫𒐐𒑄
4 = 𒐉29 = 𒎙𒑆54 = 𒐐𒐉79 = 𒁹𒌋𒑆104 = 𒁹𒐏𒐉129 = 𒈫𒑆154 = 𒈫𒌍𒐉179 = 𒈫𒐐𒑆
5 = 𒐊30 = 𒌍55 = 𒐐𒐊80 = 𒁹𒎙105 = 𒁹𒐏𒐊130 = 𒈫𒌋155 = 𒈫𒌍𒐊180 = 𒐈
6 = 𒐋31 = 𒌍𒁹56 = 𒐐𒐋81 = 𒁹𒎙𒁹106 = 𒁹𒐏𒐋131 = 𒈫𒌋𒁹156 = 𒈫𒌍𒐋181 = 𒐈𒁹
7 = 𒑂32 = 𒌍𒈫57 = 𒐐𒑂82 = 𒁹𒎙𒈫107 = 𒁹𒐏𒑂132 = 𒈫𒌋𒈫157 = 𒈫𒌍𒑂182 = 𒐈𒈫
8 = 𒑄33 = 𒌍𒐈58 = 𒐐𒑄83 = 𒁹𒎙𒐈108 = 𒁹𒐏𒑄133 = 𒈫𒌋𒐈158 = 𒈫𒌍𒑄183 = 𒐈𒐈
9 = 𒑆34 = 𒌍𒐉59 = 𒐐𒑆84 = 𒁹𒎙𒐉109 = 𒁹𒐏𒑆134 = 𒈫𒌋𒐉159 = 𒈫𒌍𒑆184 = 𒐈𒐉
10 = 𒌋35 = 𒌍𒐊60 = 𒁹85 = 𒁹𒎙𒐊110 = 𒁹𒐐135 = 𒈫𒌋𒐊160 = 𒈫𒐏185 = 𒐈𒐊
11 = 𒌋𒁹36 = 𒌍𒐋61 = 𒁹𒁹86 = 𒁹𒎙𒐋111 = 𒁹𒐐𒁹136 = 𒈫𒌋𒐋161 = 𒈫𒐏𒁹186 = 𒐈𒐋
12 = 𒌋𒈫37 = 𒌍𒑂62 = 𒁹𒈫87 = 𒁹𒎙𒑂112 = 𒁹𒐐𒈫137 = 𒈫𒌋𒑂162 = 𒈫𒐏𒈫187 = 𒐈𒑂
13 = 𒌋𒐈38 = 𒌍𒑄63 = 𒁹𒐈88 = 𒁹𒎙𒑄113 = 𒁹𒐐𒐈138 = 𒈫𒌋𒑄163 = 𒈫𒐏𒐈188 = 𒐈𒑄
14 = 𒌋𒐉39 = 𒌍𒑆64 = 𒁹𒐉89 = 𒁹𒎙𒑆114 = 𒁹𒐐𒐉139 = 𒈫𒌋𒑆164 = 𒈫𒐏𒐉189 = 𒐈𒑆
15 = 𒌋𒐊40 = 𒐏65 = 𒁹𒐊90 = 𒁹𒌍115 = 𒁹𒐐𒐊140 = 𒈫𒎙165 = 𒈫𒐏𒐊190 = 𒐈𒌋
16 = 𒌋𒐋41 = 𒐏𒁹66 = 𒁹𒐋91 = 𒁹𒌍𒁹116 = 𒁹𒐐𒐋141 = 𒈫𒌋𒁹166 = 𒈫𒐏𒐋191 = 𒐈𒌋𒁹
17 = 𒌋𒑂42 = 𒐏𒈫67 = 𒁹𒑂92 = 𒁹𒌍𒈫117 = 𒁹𒐐𒑂142 = 𒈫𒌋𒈫167 = 𒈫𒐏𒑂192 = 𒐈𒌋𒈫
18 = 𒌋𒑄43 = 𒐏𒐈68 = 𒁹𒑄93 = 𒁹𒌍𒐈118 = 𒁹𒐐𒑄143 = 𒈫𒌋𒐈168 = 𒈫𒐏𒑄193 = 𒐈𒌋𒐈
19 = 𒌋𒑆44 = 𒐏𒐉69 = 𒁹𒑆94 = 𒁹𒌍𒐉119 = 𒁹𒐐𒑆144 = 𒈫𒌋𒐉169 = 𒈫𒐏𒑆194 = 𒐈𒌋𒐉
20 = 𒎙45 = 𒐏𒐊70 = 𒁹𒌋95 = 𒁹𒌍𒐊120 = 𒈫145 = 𒈫𒌋𒐊170 = 𒈫𒐐195 = 𒐈𒌋𒐊
21 = 𒎙𒁹46 = 𒐏𒐋71 = 𒁹𒌋𒁹96 = 𒁹𒌍𒐋121 = 𒈫𒁹146 = 𒈫𒌋𒐋171 = 𒈫𒐐𒁹196 = 𒐈𒌋𒐋
22 = 𒎙𒈫47 = 𒐏𒑂72 = 𒁹𒌋𒈫97 = 𒁹𒌍𒑂122 = 𒈫𒈫147 = 𒈫𒌋𒑂172 = 𒈫𒐐𒈫197 = 𒐈𒌋𒑂
23 = 𒎙𒐈48 = 𒐏𒑄73 = 𒁹𒌋𒐈98 = 𒁹𒌍𒑄123 = 𒈫𒐈148 = 𒈫𒌋𒑄173 = 𒈫𒐐𒐈198 = 𒐈𒌋𒑄
24 = 𒎙𒐉49 = 𒐏𒑆74 = 𒁹𒌋𒐉99 = 𒁹𒌍𒑆124 = 𒈫𒐉149 = 𒈫𒌋𒑆174 = 𒈫𒐐𒐉199 = 𒐈𒌋𒑆
25 = 𒎙𒐊50 = 𒐐75 = 𒁹𒌋𒐊100 = 𒁹𒐏125 = 𒈫𒐊150 = 𒈫𒌍175 = 𒈫𒐐𒐊200 = 𒐈𒎙
𒐬 = 36 000, 𒐲 = 216 000, 𒐳 = 432 000
À noter que l’écriture de ces nombres varie dans le temps et selon les régions. Les informations données ici sont à titre indicatif seulement.

Les Sumériens avaient donc inventé la notation positionnelle, un système bien plus pratique que les nombres romains qui furent utilisés après l’annexion de la région par l’Empire romain en 63 AÈC. On peut donc facilement convertir un nombre sumérien en nombre moderne (utilisant les chiffres dits indo-arabes modernes) selon la formule suivante :

(A × 216 000) + (B × 3 600) + (C × 60) + (D × 10) + E

Évidemment, les Sumériens pouvaient utiliser des nombres plus grands, mais limitons-nous ici à ceux-ci.

De plus, le système était utilisé pour écrire les fractions. Outre les symboles 𒑚 (⅓), 𒑛 (⅔), 𒑢 (¼), 𒑡 (⅙), et 𒑜 (⅚), ils pouvaient simplement écrire le nombre de soixantièmes, etc. Par exemple, 𒈫𒐏𒐉, en plus de correspondre à 164, pourrait vouloir dire 20 + 4460, ou même 20 + 4060 + 43 600. Comment faire la différence ? En regardant le contexte ! Par exemple, on n’écrirait pas dans une recette que ça prend 𒁹𒈫 = 62 tasses de farine, mais 1 + 260 est plus vraisemblable…

Lorsque l’on transcrit des nombres cunéiformes au système moderne, la convention veut que l’on sépare les groupes de 60 par des virgules, et les fractions avec un point-virgule. On aurait donc par exemple 𒐉𒎙𒐊𒌍𒈫·𒑂𒌋𒑄𒐋𒌋𒑆 = 4,25,32;7,18,6,19 = (4 × 3 600) + (25 × 60) + 32 + 760 + 183 600 + 6216 000 + 1912 960 000 = 15 932,121695910493827… Ceci est une belle démonstration que les nombres cunéiformes peuvent parfois être bien plus courts que leurs équivalents modernes. (Nous avons ajouté le symbole ·, qui n’était pas utilisé par les Mésopotamiens, pour aider à séparer la portion entière de la portion fractionnelle.)

Mais pourquoi étudier les nombres cunéiformes ? Eh ! bien, c’est que nous avons indirectement hérité de ce système… quand vient le temps de mesurer des angles ou des temps ! Le fait qu’il y ait 360 degrés dans un cercle — 6 × 60 — vient des Sumériens, tout comme la division de chaque degré (°) en minutes (′, à ne pas confondre avec ' ou ’, qui ne devraient jamais être utilisés pour les minutes) et secondes (″, à ne pas confondre avec " ou ”, qui similairement ne devraient jamais être utilisés pour les secondes) d’arc — pendant un temps, les tables astronomiques indiquaient même les tierces, quartes, etc., et il subsiste des symboles pour ; à preuve, les ‴ de ce monde, bien que rares aujourd’hui. On divise aussi les heures en minutes (min sans point final ; jamais ′ pour les minutes de temps) et secondes (s sans point final ; pas sec et jamais ″ pour les secondes de temps).

Outil de conversion

Les cases ci-dessous permettent de convertir un nombre d’un système de notation à l’autre. Entrez un nombre dans une ou l’autre, et cliquez sur « Convertir » ; si un nombre se trouve dans la case « Notation sexagésimale », il sera converti en notation décimale. Si la case « Notation sexagésimale » est vide, le nombre moderne de la case de droite sera converti en notation sexagésimale.

Notation sexagésimale · · Notation décimale

Mathématiques… différentes

Comment faisaient les Mésopotamiens pour additionner, soustraire, multiplier, ou diviser leurs nombres ? Disons que leurs mathématiques étaient pour le moins… différentes des nôtres ! Ainsi, pour additionner, c’était un peu comme notre système, sauf qu’au lieu de retenir des dizaines, centaines, etc., les Mésopotamiens retenaient des dizaines, soixantaines, etc. Exemple : 𒌍𒑄 + 𒁹𒎙𒑂 = 38 + 87 donc on additionne la dernière colonne = 𒑄 + 𒑂 = 𒌋𒐊 (8 + 7 = 15), puis l’avant-dernière colonne = 𒌍 + 𒎙 = 𒐐 (30 + 20 = 50), puis la précédente = 𒁹 (60). On ajoute ensuite les trois résultats, soit 𒁹 + 𒐐 + 𒌋𒐊 (60 + 50 + 15) = 𒁹 + 𒁹 + 𒐊 (60 + 60 + 5) = 𒈫𒐊 (125).

Pour la soustraction, même chose : on emprunte de la colonne de gauche si nécessaire. Par exemple, 𒐐𒈫 − 𒎙𒐈 (52 − 23) devient 𒐏𒑆𒐈 − 𒎙𒐈 (40.12 − 23), donc 𒐏 − 𒎙 (40 − 20) et 𒑆𒐈 − 𒐈 (12 − 3), donc 𒎙 + 𒑆 (20 + 9), et enfin 𒎙𒑆 (29).

Tableau . Réciproques sexagésimaux.
2   ·   0; 303   ·   0; 204   ·   0; 155   ·   0; 12
6   ·   0; 108   ·   0; 7, 309   ·   0; 6, 4010   ·   0; 6
12   ·   0; 515   ·   0; 416   ·   0; 3, 4518   ·   0; 3, 20
20   ·   0; 324   ·   0; 2, 3025   ·   0; 2, 2427   ·   0; 2, 13, 20

Là où ça se complique — mais où ça devient en même temps génial — est pour la multiplication et la division. Les Mésopotamiens n’avaient pas de procédure semblable à la nôtre pour la multiplication, mais ils avaient eu l’intelligence de découvrir que ab = [(a + b)² − a² − b²] / 2 et même encore plus génial, ab = [(a + b)² − (a − b)²] / 4. Pour les divisions par 2 et par 4 et quelques autres, ils avaient des tables de réciproques, par exemple le tableau de droite. Il s’agissait donc de convertir la multiplication en additions de carrés, pour lesquels ils avaient aussi des tables de carrés de tous les nombres de 1 à 60 (on changeait la position au besoin pour les nombres plus grands) — par exemple, 𒑄 • 𒁹𒐉 pour 8² = 64, ou 𒌋𒐋 • 𒐉𒌋𒐋 pour 16² = 256 (le symbole • est notre ajout). Pour la multiplication, donc, on pouvait avoir 𒁹𒌍𒑄 × 𒐏𒑂 (98 × 47) devenir [(98 + 47)² − (98 − 47)²] / 4, donc (145² − 51²) / 4, donc (21025 − 2601) / 4, donc 18424 / 4, enfin 4606, le résultat recherché.

Enfin, pour la division, ils utilisaient l’équivalence a/b = a × (1 / b). Prenons donc 𒁹𒌍𒐊 ÷ 𒌋𒐊 (95 ÷ 15), qui devient 95 × 115, et on recourt aux tables de réciproques, de multiplications, de carrés, etc., pour trouver 6,333…, soit 6;20 ou 𒐋·𒎙 (encore une fois, nous utilisons · que les Mésopotamiens n’utilisaient pas, pour aider à la distinction de la partie entière de la partie fractionnelle).

Plimpton 322

Il est intéressant de noter que les Babyloniens avaient développé les mathématiques à un très haut point, toutes choses demeurant relatives. Ainsi, la tablette Plimpton 322 illustrée en tête de cette page, qui est un des plus anciens tableaux de trios dits pythagoriciens. Il en manque probablement une bonne partie, puisque étrangement, on ne donne pas les valeurs a, b, ou c de l’équation dite « de Pythagore », soit a² + b² = c², mais plutôt b et c de même qu’un nombre correspondant, selon ce qui manque, à c² / a² ou à b² / a² (appelons cette quantité d. Les quatre colonnes de la tablette sont donc respectivement d, b, c, et un numéro séquentiel (de la ligne).

Tableau . Valeurs inscrites sur la tablette Plimpton 322.
CunéiformeModerne†
𒐐𒑆·𒌋𒐊𒁹𒐐𒑆𒈫𒐏𒑆𒁹59 00 15
= 0,98340277777778
1 59
= 119
2 49
= 169
1
𒐐𒐋𒐐𒐋𒐐𒑄𒌋𒐉𒐐𒐋𒌋𒐊𒐐𒐋𒑂𒐈𒌋𒈫𒁹𒈫56 56 58 14 56 15
= 0,94915855999228
56 07
= 3367
3 12 01
= 11521
2
𒐐𒐊𒑂𒐏𒁹𒌋𒐊𒌍𒐈𒐏𒐊𒁹𒌋𒐋𒐏𒁹𒁹𒐐·𒐏𒑆𒐈55 07 41 15 33 45
= 0,91880212673611
1 16 41
= 4601
1 50 49
= 6649
3
𒐐𒐈𒌋·𒎙𒑆𒌍𒈫𒐐𒈫𒌋𒐋𒐈𒌍𒁹𒐏𒑆𒐊𒑆𒁹𒐉53 10 29 32 52 16
= 0,88624790672154
3 31 49
= 12709
5 09 01
= 18541
4
𒐏𒑄𒐐𒐉𒁹𒐏·𒁹𒐊𒁹𒌍𒑂𒐊48 54 01 40
= 0,81500771604938
1 05
= 65
1 37
= 97
5
𒐏𒑂𒐋𒐏𒁹𒐏·𒐊𒌋𒑆𒑄𒁹𒐋47 06 41 40
= 0,78519290123457
5 19
= 319
8 01
= 481
6
𒐏𒐈𒌋𒁹𒐐𒐋𒎙𒑄𒎙𒐋𒐏·𒌍𒑄𒌋𒁹𒐐𒑆𒁹𒑂43 11 56 28 26 40
= 0,71998367626886
38 11
= 2291
59 01
= 3541
7
𒐏𒁹𒌍𒐈𒐐𒑆𒐈𒐏𒐊𒌋𒐈𒌋𒑆𒎙·𒐏𒑆𒑄41 33 59 03 45
= 0,6927734375
13 19
= 799
20 49
= 1249
8
𒌍𒑄𒌍𒐈𒌍𒐋𒌍𒐋𒑆𒁹𒌋𒈫𒐏𒑆𒑆38 33 36 36
= 0,64266944444444
9 01
= 541
12 49
= 769
9
𒌍𒐊𒌋·𒈫𒎙𒑄𒎙𒑂𒎙𒐉𒎙𒐋𒐏·𒁹𒎙𒈫𒐏𒁹𒈫𒌋𒐋𒁹𒌋·35 10 02 28 27 24 26 40
= 0,58612256611035
1 22 41
= 4961
2 16 01
= 8161
10
𒌍𒐈𒐏𒐊𒐏𒐊𒁹𒌋𒐊𒌋𒁹33 45
= 0,5625
45
= 45
1 15
= 75
11
𒎙𒑆𒎙𒁹𒐐𒐉𒈫𒌋𒐊𒎙𒑂𒐐𒑆𒐏𒑄𒐏𒑆𒌋𒈫29 21 54 02 15
= 0,48941684027778
27 59
= 1679
48 49
= 2929
12
𒎙𒑂·𒐈𒐏𒐊𒑂𒌋𒈫𒁹𒐉𒐏𒑆𒌋𒐈27 00 03 45
= 0,45001736111111
7 12 01
= 25921
4 49
= 289
13
𒎙𒐊𒐏𒑄𒐐𒁹𒌍𒐊𒐋𒐏·𒎙𒑆𒌍𒁹𒐐𒐈𒐏𒑆𒌋𒐉25 48 51 35 06 40
= 0,43023882030178
29 31
= 1771
53 49
= 3229
14
𒎙𒐈𒌋𒐈𒐏𒐋𒐉𒐐𒐋𒐐𒐈𒌋𒐊23 13 46 4
= 0,38715771604938
56
= 56
53
= 53
15
† La première ligne de chaque rangée de la colonne « Moderne » indique la transcription directe ; la seconde indique la valeur décimale.
La tablette contient des erreurs et des parties endommagées, desquelles nous n’avons pas tenu compte ici. Le consensus général est aussi qu’il manque le nombre 𒁹 (1) au début de chaque rangée de la première colonne. Nous avons aussi omis les en-têtes de colonne, qui ne sont que partiellement interprétés du babylonien. Nous suggérons l’article « Plimpton 322 is Babylonian exact sexagesimal trigonometry », de Daniel F. MANSFIELD et N.J. WILDBERGER, paru dans Historia Mathematica, Vol. 44, N° 4 (2017) : 395–419, pour une analyse plus approfondie de la tablette Plimpton 322 (en anglais).

Prenons par exemple la septième ligne : 43 11 56 28 26 40 représente 4360 + 113 600 + 56216 000 + 2812 960 000 + 26777 600 000 + 4046 656 000 000, soit 0,71998367626886 ; on a ensuite 38 11 pour 38 × 60 + 11, soit 2 291 ; et enfin 59 01 pour 59 × 60 + 1, soit 3 541 (en omettant le numéro de ligne). Les quantités b et c sont donc égales à 2 291 et 3 541, respectivement, ce qui entraîne a² = 3 541² − 2 291² = 12 538 681 − 5 248 681 = 7 290 000, donc a = 2 700 (en cunéiforme, ce serait simplement 45, pour 45 × 60). De là, on pose c² ÷ a², qui devrait nous donner la première colonne : 3 541² ÷ 2 700² = 12 538 681 ÷ 7 290 000 = 1,71998367626886. Or, la première colonne est ce nombre moins 1 (d’où le consensus du manque de caractère).

Pérennité

Outre le fait que nous utilisons encore des reliquats du système mathématique sumérien dans notre vie quotidienne, avec les heures, minutes, et secondes de temps ou encore les degrés, minutes, et secondes d’arc, virtuellement tous les travaux astronomiques de l’Antiquité, du Moyen Âge, et de la Renaissance utilisent une adaptation de celui-ci quand vient le temps de noter les grands nombres ou ceux ayant une partie fractionnelle. Par exemple, Nicolas Copernic, dans De Revolutionibus orbium cœlestium, dans lequel il présente son modèle héliostatique du système solaire, donne un tableau donnant le mouvement moyen de la Lune avec des valeurs notées en degrés, minutes, secondes, et tierces chaque jour pendant 60 jours — la 60e valeur étant simplement la première, multipliée par 60, soit un décalage de chaque valeur vers la gauche : ainsi, 0;59,8,7 pour une journée devient 59;8,7,22 pour 60 jours. (La lecture de l’ouvrage est difficile, puisque Copernic utilise aussi des nombres romains dans le texte courant.)

Conclusion

La personne qui s’intéresse le moindrement à l’histoire de l’astronomie doit connaître les mathématiques sumériennes et les systèmes qui en découlent, afin de bien comprendre les documents historiques nous ayant été légués par les Géants de l’Histoire sur les épaules desquels nous avons grimpé pour voir plus loin.

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© 2020 Astronomie‑Québec / Pierre Paquette