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L’orbite de la Lune
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Pourquoi faire simple… ?

Malgré son apparente simplicité, l’orbite de la Lune, le seul satellite naturel de la Terre, est en fait assez complexe.

Étudiée depuis les temps les plus reculés, elle a amené les Babyloniens à inventer les mathématiques, et ils ont dû ruser d’imagination pour développer des modèles permettant de connaître ses phases ou son emplacement à l’avance. Cela était nécessaire aux Babyloniens, car leur calendrier était basé sur les phases de la Lune ; d’ailleurs, les calendriers hébraïque et islamique modernes en sont des descendants plus ou moins directs.

Les Babyloniens ne s’intéressaient pas à la cause du mouvement de la Lune, mais rien qu’à sa vitesse de déplacement angulaire et aux variations de celle-ci. Ce sont donc les Grecs qui ont conçu le premier modèle « mécanique » : selon eux, l’orbite de la Lune avait la forme d’un cercle et était centrée sur la Terre (animation ci-contre). Ce modèle ne pouvant expliquer tous les phénomènes observés ou le moment de leur observation, il a connu de multiples ajustements, les Grecs concluant enfin que la Lune se déplace sur un petit cercle dont le centre tourne à son tour sur un grand cercle légèrement décentré par rapport à la Terre.

Pas un cercle

Malgré l’efficacité du modèle final des Grecs — utilisé pendant plus de 1 500 ans par eux et les astronomes arabes, musulmans, et européens venus après eux —, il n’était pas exact par rapport aux observations. Ce n’est qu’avec la découverte des trois lois du mouvement planétaire, par Johannes Kepler entre 1609 et 1619, que l’on comprit enfin que l’orbite de la Lune n’est pas un cercle parfait, mais est légèrement elliptique. Les Grecs avaient raison en ce que la Terre n’est pas au centre de cette ellipse, mais plutôt à l’un de ses foyers ; ils avaient toutefois tort quant à la vitesse angulaire de la Lune sur son orbite, qu’ils croyaient fixe. Conséquence de la variation de la force de gravité en fonction du carré de la distance (loi universelle de la gravitation, énoncée par Newton en 1687), la Lune se meut plus rapidement lorsqu’elle est dans les portions de son orbite les plus rapprochées de la Terre, et plus lentement quand elle en est éloignée.

À l’échelle du diagramme ci-contre, seule l’excentricité (non-centralité) de la Terre est apparente. L’ellipse fait environ de moins en hauteur qu’en largeur…

Combien de temps ?

Deux référentiels existent pour mesurer la durée de la révolution de la Lune autour de la Terre : le Soleil ou les étoiles. Par rapport à ces dernières, la Lune revient au même point au bout de 27,321662 jours (27 j 07 h 43 min 11,6 s) — c’est le mois sidéral. Pendant ce temps, le couple Terre–Lune a avancé sur son orbite autour du Soleil, et il faut donc attendre un peu avant que la Lune ne soit alignée à nouveau avec ce dernier. Les phases lunaires, conséquences de la variation de l’angle Soleil–Terre–Lune, se répètent donc tous les 29,530588 jours (29 j 12 h 44 min 02,8 s) — c’est le mois synodique.

Ces périodes ne sont toutefois que des moyennes, puisque l’orbite de la Lune est constamment déformée par l’effet gravitationnel des autres planètes et du Soleil. De plus, le foyer de l’orbite lunaire n’est pas au centre de la Terre, mais plutôt au barycentre du système Terre–Lune, soit son « centre de masse ». Puisque le barycentre se trouve environ aux trois-quarts de la distance entre le noyau terrestre et la surface de notre planète, les mouvements de celle-ci autour du barycentre (entre autres par sa rotation diurne) affectent aussi l’orbite lunaire.

Pas toujours des éclipses

Si l’orbite de la Lune autour de la Terre était dans le même plan que celle de la Terre autour du Soleil (l’écliptique), nous aurions une éclipse de Soleil à chaque nouvelle lune, et une éclipse de Lune à chaque pleine lune. Or, nous savons tous que ce n’est pas le cas — sinon, les éclipses seraient bien moins courues qu’elles le sont !

C’est que l’orbite de la Lune est inclinée de 5,14° par rapport à l’écliptique. Les éclipses ne peuvent donc se produire que lorsque la Lune est près d’un des points où son orbite croise l’écliptique (les nœuds).

La ligne qui relie les nœuds est (à peu près) fixe par rapport aux étoiles, et ne pointe donc vers le Soleil que deux fois l’an. Comme la Lune n’est pas nécessairement pleine ou nouvelle exactement à ce moment, il n’y a pas toujours d’éclipse totale de Soleil ou d’éclipse totale de Lune — mais des éclipses partielles, dans la majorité des cas.

Une orbite en mouvement (1/2)

La ligne des nœuds de l’orbite lunaire tourne par rapport aux étoiles, en un cycle de 18,6 ans (6 793,6 jours). Ce mouvement se fait d’est en ouest, ce qui fait que la ligne des nœuds pointe vers le Soleil un peu plus de deux fois l’an en moyenne (tous les 173,3 jours).

Puisque l’inclinaison de la Terre sur son orbite est essentiellement fixe par rapport aux étoiles (lent cycle d’environ 25 770 ans), il s’ensuit que l’inclinaison de l’orbite lunaire est variable par rapport à l’équateur terestre : de 18,134° (18° 08′) à 28,725° (28° 44′).

Cela fait en sorte qu’une fois tous les 18,6 ans, la Lune atteint le point le plus au nord possible et le point le plus au sud possible dans le ciel terrestre. Lorsqu’elle se trouve au nord de l’équateur céleste, elle se couche plus au nord qu’à l’ouest, mais plus au sud qu’à l’ouest quand elle est au sud de l’équateur céleste.

La Lune a atteint sa déclinaison solsticiale nord maximale en juin 2006 et s’y trouvera encore en avril 2025. Quant à la déclinaison solsticiale nord minimale, elle fut atteinte en octobre 2015 ; la prochaine aura lieu en mars 2034.

Une orbite en mouvement (2/2)

De plus, l’orbite de la Lune subit un autre mouvement : celui de la ligne des apsides. Cette ligne imaginaire joint le périgée (point de l’orbite lunaire le plus rapproché de la Terre) et l’apogée (celui le plus distant de la Terre), et elle tourne vers l’est en environ 8,85 années (3 233 jours).

Remarquez le mouvement de l’orbite par rapport à la Terre — c’est plus facile en regardant la projection sur l’écliptique (tracé sombre), qui bouge par rapport aux points blancs équidistants de la Terre. Comparez à l’animation de la page précédente, où seuls les nœuds se déplaçaient.

Ce mouvement fait en sorte que la Lune n’est pas toujours à la même distance de la Terre pour une même phase dans une même région du ciel d’une année à l’autre.

Aussi, la distance à la Terre de l’apogée et du périgée lunaires varie — cette dernière avec une plus grande amplitude : le périgée varie de 356 360 km à 370 350 km, et l’apogée varie de 404 050 km à 406 720 km. Les valeurs extrêmes ne sont pas atteinte souvent : seulement 14 fois entre les années 1500 et 2500 le périgée se trouve-t-il à moins de 356 425 km, et le même nombre de fois pendant la même période, l’apogée à plus de 406 710 km — les prochaines fois sont en 2052 pour un périgée à 356 421 km, et en 2107 pour une apogée à 406 716 km (Meeus 1998, p. 362).

En résumé

Nous avons donc vu jusqu’à présent les caractéristiques suivantes de l’orbite lunaire :

De plus, on doit tenir compte entre autres des inégalités suivantes :

Détails additionnels

Avec le temps, la précision accrue des observations et mesures a permis de raffiner notre compréhension de l’orbite lunaire : 25–30 termes trigonométriques la décrivaient au milieu du dix-huitième siècle, mais environ 1 400 termes au début du vingtième siècle. Aujourd’hui, l’Éphéméride Lunaire Parisienne (ELP) contient plus de 20 000 termes trigonométriques périodiques… mais n’est pas assez précise pour correspondre aux mesures laser !

L’animation montre l’effet des cinq principales inégalités mentionnées à gauche et l’équation du centre sur la longitude écliptique de la Lune. Le point rouge représente la position moyenne de la Lune ; le point gris, sa position réelle. La Terre est au foyer de l’ellipse. Le cercle pointillé gris centré sur elle représente la distance lunaire moyenne ; l’ellipse tiretée grise représente l’orbite moyenne « instantanée » de la Lune (sans considérer les inégalités, pour alléger le calcul). L’animation n’est pas à l’échelle, mais les angles et la vitesse correspondent à la réalité.

Les marées

L’attraction gravitationnelle exercée par la Lune sur notre planète est à l’origine des marées. Cependant, bien des gens ont une conception erronée du mécanisme de celles-ci.

La Lune n’attire pas que l’eau de nos océans, mais tous les éléments de notre planète ; l’eau étant plus « malléable » que la terre ou le roc, elle réagit davantage aux changements de position de la Lune. Toutefois, la croûte terrestre descend d’environ 55 cm d’une marée haute à une marée basse. De plus, puisqu’il faut un certain temps à l’eau pour « réagir », une marée haute ne se produit pas quand la Lune est au méridien du lieu, mais un peu après.

Puisque la Lune avance sur son orbite d’une journée à l’autre, les marées se répètent avec un peu plus de 24 heures de décalage. Enfin, quand on site est du côté opposé de la Terre par rapport à la Lune (encore là, avec un léger décalage de « temps de réaction »), il se produit une autre marée haute ; celles-ci reviennent donc à toutes les 12 h 25 min en moyenne. Il s’ensuit que 6 h 12,5 min après une marée haute, on a une marée basse.

Le Soleil entre aussi dans l’équation ; les marées les plus hautes se produisent quand la Lune est en conjonction ou, dans une moindre mesure, en opposition avec le Soleil que lorsqu’elle en est à 90°.

La distance de la Lune à la Terre a aussi une influence sur l’amplitude des marées, en vertu de la loi de gravité universelle précédemment mentionnée — la force d’attraction varie avec le carré de la distance. On a donc les marées les plus fortes quand la Lune se trouve au périgée.

L’effet solaire est plus grand quand la Terre est au périhélie (point le plus près de son orbite autour du Soleil), mais le facteur lunaire l’emporte tout de même, et les marées sont plus amples quand la Lune est près du plan de l’équateur terrestre — d’autant plus, quand le Soleil aussi y est, soit vers les équinoxes de mars et de septembre.

Les deux mouvements de l’orbite lunaire mentionnés précédemment (celui de la ligne des nœuds et celui de la ligne des apsides) induisent donc un cycle à long terme dans l’amplitude des marées. Les plus fortes se produisent donc à intervalles de 18,61 ans — la dernière fois eut lieu fin 2015.

La météorologie et les changements climatiques jouent aussi un rôle dans l’amplitude des marées — par exemple, sous un système de basse pression, le niveau de l’eau sera plus élevé.

Enfin, le relief terrestre joue un grand rôle dans l’amplitude locale des marées. Ainsi, tous les endroits n’ont pas le même marnage : les extrêmes sont atteints dans le bassin de Minas de la baie de Fundy, en Nouvelle-Écosse (Canada) ainsi qu’au sud de la baie d’Ungava, au Québec — jusqu’à 16 m (52,5′) de marnage à chaque endroit.